Il est des parcours qui ne se laissent pas aisément cartographier, des existences dont la trajectoire échappe aux lignes droites pour emprunter les courbes sinueuses de l'introspection, les spirales d'une quête de sens où le [RIEN] n'est pas absence mais potentialité structurée. Haroun Garbrane s'inscrit dans cette lignée d'arpenteurs du verbe, ceux pour qui l'écriture n'est pas simple narration, mais exploration des failles, tentative de donner forme à l'informe, de tisser une cohérence dans le chatoiement des identités multiples.
Nourri par une observation aiguë du monde, tant dans sa matérialité la plus tangible – le bleu calcaire d'une Naples vibrante, la pénombre d'un centre où l'on réapprend à respirer – que dans ses abstractions les plus vertigineuses – la superposition d'états d'une conscience quantique, l'écho du demi-spin dans le cycle d'une guérison – Garbrane déploie une prose où la pensée se fait paysage. Son écriture, exigeante et immersive, invite à une traversée des dimensions, où les lieux et les époques se superposent, où la voix de l'enfant sous la table dialogue avec celle de l'adulte sur le pont d'un chalutier, toutes deux facettes d'un même prisme identitaire.
L'œuvre de Garbrane, à l'image de son roman "Spin Age", se veut une méditation sur la fragmentation du moi, sur la possibilité de coexister dans des versions contradictoires sans s'annihiler. Elle interroge la nature du réel, la porosité des frontières entre le visible et l'invisible, entre le vécu et le potentiel. Son style, marqué par une richesse lexicale où les termes issus de la physique ou de l'informatique viennent éclairer les abîmes de l'intime, construit des phrases longues, labyrinthiques, qui miment le flux d'une conscience en perpétuel mouvement, cherchant à saisir l'insaisissable.
Plus qu'un simple conteur d'histoires, Haroun Garbrane se révèle être un architecte des espaces intérieurs, un cartographe des possibles. Son œuvre est une invitation à plonger dans la complexité de l'être, à accepter l'incertitude comme principe fondateur, et à trouver, peut-être, dans le vertige de la multiplicité, une forme singulière d'unité. "Spin Age" est la première manifestation publiée de cette exploration exigeante, un jalon dans un parcours littéraire qui promet de sonder avec une rare acuité les échos de notre temps.
